Fait d'images

le blog de françois forcadell – l'image dessinée dans l'actualité

Une tribune du Collectif Charlie Hebdo

1 avril 2015 à 8 h 29

Extrait de la tribune publié dans Le Monde le 31 mars 2015 sous le titre “Pour la refondation de Charlie Hebdo” :

[…] En remettant à plat l’architecture de Charlie. En recourant à une forme de société coopérative, dont nous discutions en interne depuis des années, et qui se situe dans la droite ligne de l’économie sociale et solidaire que Charlie prône depuis toujours ; le journal doit abandonner le statut d’entreprise commerciale. En accordant à chacun d’entre nous le droit de prendre part, collectivement, aux décisions qui engagent le journal, sans en retirer de gains personnels : les parts sociales dévolues ne donneront aucun droit à dividendes, mais nous offriront la possibilité d’être impliqué dans la reconstruction de ce qui est pour nous aujourd’hui bien plus qu’un employeur. En bloquant, comme nos camarades du Canard enchaîné, sous votre regard et par la volonté de tous les membres de Charlie, ces incroyables réserves financières qui doivent ne servir qu’à garantir la pérennité du titre à dix, vingt ou trente ans, en en affectant les fruits à la consolidation du titre, à l’apuration de ses dettes, à son développement et à sa nécessaire modernisation.
718368-charlieNous n’avons aucune ambition personnelle, hormis celle de faire un journal toujours meilleur et de faire perdurer Charlie Hebdo. La cause que nous défendons n’est en rien financière, c’est une cause juste et morale. Or, nous assistons aujourd’hui à des prises de décision importantes pour le journal, souvent le fait d’avocats, dont les tenants et les aboutissants restent opaques. Nous entendons qu’une nouvelle formule se prépare, dont nous sommes exclus.
Nous ignorons tout de la fondation qui est en train d’être créée et souhaitons qu’elle soit l’émanation d’un projet mûrement réfléchi par l’ensemble du journal. Nous refusons que le journal, devenu une proie tentante, fasse l’objet de manipulations politiques et/ou financières, nous refusons qu’une poignée d’individus en prenne le contrôle, total ou partiel, dans le mépris absolu de ceux qui le fabriquent et de ceux qui le soutiennent. Surtout, nous refusons que ceux qui ont dit et écrit « Je suis Charlie » se réveillent demain matin avec la gueule de bois des illusions souillées, et constatent que leur confiance et leur attente ont été trahies.
La réorganisation du journal et l’œuvre de transparence sont un moyen de porter au mieux et tous ensemble le Charlie d’après le 7 janvier, un Charlie qui devrait donner envie de rire du pire plutôt que de s’y résigner, qui ne révérera aucun pouvoir, qui sera un journal fiable et enquêté, engagé et attentif aux nouvelles luttes politiques citoyennes, tout en accordant plus de place aux phénomènes culturels, littéraires et poétiques de notre siècle. C’est la seule façon de retrouver l’énergie, les idées, la légèreté, la capacité de créer et de nous projeter dans l’avenir. […]

Texte signé par Zineb El-Rhazoui, Simon Fieschi, Antonio Fischetti, Pascal Gros, Philippe Lançon, Laurent Léger, Luz, Mathieu Madénian, Catherine Meurisse, Patrick Pelloux, Martine Rousseaux, Jean-Baptiste Thoret, Sigolène Vinson, Jean-Luc Walet, Willem.