Fait d'images

le blog de françois forcadell – l'image dessinée dans l'actualité

Salut Siné

11 mai 2016 à 7 h 13

Sine Lutte finale 11mai« Je ne pense, depuis quelque temps, qu’à ma disparition prochaine, sinon imminente, et sens la mort qui rôde et fouine sans arrêt autour de moi comme un cochon truffier. Mon moral, d’habitude d’acier, ressemble le plus souvent maintenant à du mou de veau ! C’est horriblement chiant de ne penser obsessionnellement qu’à sa mort qui approche, à ses futures obsèques et au chagrin de ses proches ! Je pense aussi à tous les enculés qui vont se frotter les mains et ça m’énerve grave de crever avant eux ! Heureusement que vous êtes là, admirateurs inconditionnels, adulateurs forcenés… vous ne pouvez pas savoir comme vos messages me font du bien, un vrai baume miraculeux ! »

Sa mort c’est Siné qui en a parlé le mieux. Sa vie aussi. Il faut relire les neufs tomes de Ma vie, mon œuvre, mon cul ! pour connaître le vrai bon homme. Pas le personnage médiatisé, façonné par 70 ans de vie publique, professionnelle, ponctuée de divers épisodes… imprévisibles.

Je m’en voudrais de casser un mythe, mais Siné, Maurice Sinet, était tel qu’il se décrivait : « Son parti pris et sa mauvaise foi sont devenus légendaires mais je les partage entièrement. Il faut l’entendre hurler : « Enculés ! » pour comprendre qu’il est un tendre pétri d’amour et de délicatesse. Sa culture est confondante et ses goûts très éclectiques […] En fait, il aime tout ce qui rend la vie belle : l’alcool, la salsa et les porte-jarretelles. » Pour avoir œuvré à ses côtés, je peux certifier que Siné était un être raffiné (si, si), élégant, généreux, grand amateur de dessin, de graphisme, de littérature, de bonnes musiques, amoureux de sa femme, attentifs aux siens, et aux autres, sans oublier sa passion immodérée pour les chats.

Sine-Pourquoi-HaineSiné restera forcément dans la mémoire collective pour ses coups de gueules, ses prises de positions « je me suis gouré toute ma vie et je vais continuer », mais il était aussi comme beaucoup de gens sensibles, un chouïa éruptif, surtout face à l’injustice et à la connerie. Un combat sans fin, avec quelques fois des débordements verbaux (souvent suivis de plates excuses), plus spiritueux que spirituels, étonnants pour celui qui pourchassait dans ses innombrables dictionnaires le mot juste pour exprimer ses idées. Cela lui a valu des haines tenaces et des ennemis farouches. A les lire, ils ne semblent pas se contenter d’une incinération définitive.

Siné était un idéaliste qui rêvait d’un monde meilleur. Siné était un activiste qui pensait qu’en s’engageant on pouvait le changer. Siné l’a fait, a essayé, avec son art maîtrisé et efficace du dessin, son goût de la provocation, sa mauvaise foi légendaire, ses livres, ses journaux Siné massacre, L’Enragé, Mords’y l’œil,  Siné hebdo, Siné mensuel, ses combats personnels.

Siné nous laisse en héritage cette volonté farouche de ne jamais se soumettre, « La décence, pour moi, est de ne pas tolérer l’intolérable, ne jamais admettre l’inadmissible » écrivait-il. Il nous lègue ses partis pris et son humour, à nous d’en faire bon usage.

françois forcadell

Siné sera enterré aujourd’hui 11 mai à 16h au cimetière Montmartre à Paris.

En illustration, dessin extrait de Mon Dico illustré (2011 – Hoëbeke).