Fait d'images

le blog de françois forcadell – l'image dessinée dans l'actualité

Archive pour le mot-clef ‘Caricature’

Marine Le Pen est-elle un « étron fumant » ?

jeudi 6 septembre 2012

Charlie Hebdo a publié le 5 septembre ce texte sur son site Internet :

« Charb, dessinateur à Charlie Hebdo et par ailleurs directeur de la publication du magazine vient d’être mis en examen aujourd’hui à 14h à Paris pour « complicité d’injure publique envers un particulier commis dans le cadre de l’émission « On n’est pas couché » sur France 2 au préjudice de Marine Le Pen ». Au cours de son émission du 7 janvier, Laurent Ruquier avait présenté des affiches électorales parodiques parues dans le numéro de Charlie Hebdo du 4 janvier. Parmi lesquelles, celle concernant Marine Le Pen. On pouvait lire en titre : « Marine Le Pen, la candidate qui vous ressemble ». Le dessin représentait « un étron fumant » (sic) sur un fond tricolore (en illustration). Il semble que le Président de France Télévisions ait été mis en examen dans la matinée. »

Interrogé par la presse, Charb a déclaré : « Aucun des autres candidats n’a porté plaine ou manifesté une quelconque colère ou énervement. Tous les autres ont dû comprendre que c’était de l’humour, sauf Marine Le Pen » – « C’est un peu disproportionné pour un dessin ! D’autres politiques n’aiment pas qu’on les caricaturent mais ils ont l’intelligence de ne pas nous attaquer parce qu’ils savent que Charlie Hebdo est un journal satirique » – « Je suis considéré comme complice pour avoir fait ce dessin mais ce dessin a été publié quelques jours avant dans Charlie Hebdo, qui n’a pas été poursuivi. Logiquement c’est le magazine qui aurait dû être poursuivi ».

Le dessin satirique est-il si ringard que ça ?

mercredi 5 septembre 2012

Trop méchant, trop cynique, trop dérangeant, trop militant, trop vieillot ? Il faut se rendre à l’évidence le dessin satirique, le dessin d’opinion, n’a plus vraiment la cote dans les médias, et si quelques journaux « spécialisés » continuent à en publier on ne peut pas dire que l’engouement du public se traduise dans les chiffres de ventes.

Même le pourtant réactionnaire Figaro n’a pas jugé bon de remplacer son « éditorialiste » Jacques Faizant disparu en 2006, et on ne sait pas encore si Sud Ouest trouvera un remplaçant à Iturria parti à la retraite cet été après 40 ans de collaboration. Et les télés ? Si beaucoup reconnaissent l’apport des dessins au ton iconoclaste de Droit de réponse de Michel Polac, depuis sa disparition en 1987 aucune émission n’a repris le concept. Aucune télévision n’utilise d’ailleurs le dessin satirique à l’antenne. L’humour et l’ironie sont partout, la caricature nulle part.

La tendance du dessin aujourd’hui dans la presse est à l’illustration, substitut original à la photo. On ne demande plus aux dessinateurs de s’exprimer mais de réaliser une composition graphique qui agrémentera – dans le format imparti – l’article qui le côtoie. Une aubaine pour le métier d’illustrateur, encore faut-il savoir que celui-ci est pas mal pratiqué et que, entre les élèves d’écoles d’Art en mal de débouchés professionnels, les dessinateurs de bande dessinées en panne d’album, les illustrateurs dont c’est la profession et à qui on ne pense pas forcément, sans oublier le neveu du rédacteur-en-chef qui dessine lui aussi, on se bouscule pas mal au guichet d’entrée.

La satire est un mode d’expression qui a traversé les siècles, et nul doute que le mauvais esprit a encore de beaux jours devant lui. La caricature aussi, cette façon de forcer le trait pour mieux montrer, ou démontrer ce qui ne va pas est pratiquée depuis la nuit des temps. On peut avoir des doutes pour le dessin satirique, même s’il a de nombreux atouts.

Lorsqu’il est écrit qu’un bon dessin vaut mieux qu’un long discours, cela veut dire qu’un bon dessin – intelligent, malin, lisible (il peut être beau aussi) – ne ment pas, contrairement aux torrents de mots, de phrases, d’idées foireuses, d’articles de circonstance, de promesses à géométrie variable, qui peuvent facilement nous manipuler.

Le langage du (bon) dessin est lui immédiat et universel. Comment alors expliquer ce désintérêt et à qui la faute ? Ces dernières décennies les moyens de communication et d’expression ont évolué à une vitesse vertigineuse, video, multiplication des télévisions, Internet, smartphones. Les mentalités aussi. Le dessin satirique, lui, se pratique encore comme on le faisait dans les années 1970, avec ses stéréotypes, ses codes de lecture, souvent abscons pour le commun des lecteurs. D’ailleurs il faut bien constater que le dernier carré de supporters de journaux satiriques se compose en majorité des heureux rescapés de cette période. Les nouvelles générations s’éclatent (expression d’époque) elles, sur Internet ou pratiquent la dérision tous azimuts sur Twitter ou Facebook.

Et si quelques sites Internet de presse ouvrent leurs pages au dessin « satirique » il faut là aussi constater – malgré quelques exceptions – que le critère n’est pas toujours la pertinence, ni la qualité du propos (même édulcoré), mais bien le tarif dérisoire – quand il y en a un – que l’auteur accepte pour être publié.

Alors quelle solution à ce problème (cependant moins grave que Fukushima ou la Syrie) ? Aucune, ou mutiples. Il suffirait peut-être aux dessinateurs d’imaginer, de réinventer leurs supports, de réaffirmer la qualité du trait et l’originalité de l’expression, comme l’ont fait en leur temps les créateurs de journaux indépendants. De retrouver une liberté qui leur permettrait d’exprimer pleinement tout leur talent et de donner une nouvelle image de leur savoir faire. La création c’est beaucoup de boulot mais elle fait partie de l’ADN du métier et il n’est jamais trop tard pour commencer. ff

Les commentaires et réactions à ce texte seront publiés sur ce blog.

Mohamed VI n’aime pas sa caricature

samedi 18 février 2012

Le roi du Maroc Mohamed VI représenté en forme de serrure, cette caricature dessinée par Damien Glez (en illustration), a été reprise par un jeune Marocain de 18 ans, Walid Bahomane, sur sa page Facebook. Résultat, il a été arrêté le 24 janvier puis jugé et condamné à un an de prison et à 10.000 dirhams d’amende (environ 1.000 euros), pour “atteinte aux valeurs sacrées du Maroc”. Mais l’affaire ne s’arrête pas là puisque ce dessin a également été publiée par le quotidien espagnol El Pais, ce qui a provoqué son interdiction au Maroc. Selon un haut responsable du ministère de la communication “La décision d’interdiction a été prise en application de l’article 29 du code de la presse contre toute atteinte à la personne du roi”, et il a rajouté “Dans cette caricature, y a une volonté délibérée de défigurer l’image pour porter atteinte à la personne du roi”.

Sur le site Internet SlateAfrique, Damien Glez écrit une longue lettre au roi du Maroc pour prendre la défense de Walid Bahomane. Extrait :

[…] « Votre Majesté, c’est à l’occasion du dixième anniversaire de votre règne que notre misérable plume dessinait votre majestueuse silhouette en forme de trou de serrure, pour illustrer un article qui traitait de politique sécuritaire dans le quotidien français Le Monde. C’est cette serrure qui, via le réseau social Facebook, semble avoir attiré les foudres des forces de l’ordre du Royaume chérifien sur Walid Bahomane, 18 ans, arrêté dans le centre de détention pour mineurs de Salé, après comparution au tribunal de Rabat. Répondre à une serrure par une incarcération, voilà, Majesté, une drôle de maladresse. Drôlerie pour drôlerie, il n’est pas trop tard pour la faire passer pour un trait d’humour… Votre Majesté, le début de votre règne avait suscité l’enthousiasme des observateurs, avisés ou non. La société civile, et tout particulièrement le monde des journalistes, a pourtant pris une douche froide lorsqu’en 2009, le caricaturiste marocain Khalid Gueddar a été condamné à trois ans de prison avec sursis et 270.000 euros d’amende pour avoir représenté, dans le quotidien Akhbar al Youm, votre cousin, le prince Moulay Ismaïl. Le «cartoonist», aujourd’hui, est libre de ses mouvements. Mais sa condamnation reste un sujet de déception dans ces murmures que votre régime considère sans doute comme insidieux; une cicatrice dans l’image de modernité que tentent de diffuser Casablanca ou Rabat; un écho iconoclaste de l’affaire des caricatures de Mahomet. De Mahomet à Mohammed. » […]

L’affaire vue sur Youtube.

 

Dieu existe… en caricatures

mardi 22 novembre 2011

«A la fin du XIXe siècle, Paris était la capitale mondiale de la caricature religieuse», c’est le titre de l’entretien publié par Le Monde du 21.11.2011 avec le dominicain François Bœspflug, professeur d’histoire des religions à la Faculté de Théologie Catholique de l’Université Marc Bloch de Strasbourg. Ce spécialiste d’iconographie chrétienne est également l’auteur de «Caricaturer Dieu ? Pouvoirs et dangers de l’image» (Bayard, 2006).

Le même numéro du quotidien du soir publie un article de Soren Seelow intitulé « Quinze images qui ont choqué Dieu » (titre hasardeux dans la mesure où  l’existence de ce dernier est loin d’être admise par un bon nombre d’habitants de notre planète). Si le texte évoque les démêlées de Charlie Hebdo avec les islamistes après deux Unes désormais célèbres, il fait surtout référence à des photos et à des publicités iconoclastes, pour des croyants.

Illustration publiée par Le Monde : Le calvaire dessiné par Félicien Rops qui montre un Christ en érection devant Madeleine, une des cinq planches de la série intitulée Les Sataniques, datant de 1882. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Cette caricature de Mouammar

vendredi 25 février 2011

À quoi sert la caricature ?

Vu sur le site du Parisien.fr © AFP :

La mort du caricaturiste Solo (1933-2008)

vendredi 26 décembre 2008

François Mitterrand par SoloSolo travaillait la caricature jusqu’à l’épure. Une concision du trait qu’il a poussé à l’extrême. Un trait évocateur qui faisait confiance à l’intelligence du lecteur.

Toute sa carrière il a manifesté et partagé son amour du dessin et du trait. Dessinateur il a collaboré à de très nombreux titres Combat, L’os à Moelle, Plexus, Arts, Le Canard enchaîné (de 1972 à 1980), La Croix, Les nouvelles littéraires, Libération, L’Unité, Témoignage Chrétien, Révolution, Télé Star, entre autres. Solo dessinera aussi deux numéros de la revue Satirix, les numéros 9 et 14.

Homme de presse il a créé plusieurs revues dont La Brosse à dents en 1960, et dirigé le magazine Humour par Excès de Zèle en 1965. Il a également été le directeur artistique de Aux Écoutes (1967) et de Noir & Blanc (1969) où il ouvert les pages à de très nombreux dessinateurs.

Caricature & caricaturistes, couverture n°121Passionné de dessin et de caricature il a fondé en 1988 avec sa compagne Catherine Saint-Martin, Caricature & Caricaturistes, bimestriel rouzigoucial qui vient de publier son n°121. Tous deux sont également les auteurs du Dico Solo, autre somme de connaissances et d’informations qui recense « En France de Daumier à nos jours, 5 000 dessinateurs de presse et quelques supports ». Un travail de titan qui a demandé plus de 10 ans de recherches et d’écriture.

Il avait rejoint récemment l’équipe d’Iconovox.

Solo était généreux avec ses confrères même s’il avait ses têtes et ses humeurs – très souvent justifiées -, rigoureux qu’il était sur l’exercice d’un métier qu’il considérait comme un art.

ff

illustration : François Mitterand par Solo