Fait d'images

le blog de françois forcadell – l'image dessinée dans l'actualité

Archive pour le mot-clef ‘Riss’

Non, ni Cabu, ni Val n’ont créé La Grosse Bertha

mercredi 30 octobre 2019

Contrairement aux très bonnes relations que j’avais avec Charb, j’en ai eu très peu avec Riss, et cela ne risque pas de changer. Dans son dernier livre* il utilise les méthodes de son mentor Philippe Val pour réécrire l’histoire en laissant croire que Cabu serait à l’origine de La Grosse Bertha (p 169, « une opportunité »).

Avec tout le respect que je continue, malgré tout, à avoir pour le talent de dessinateur de Cabu, je tiens à préciser – une fois de plus – qu’il n’est pour rien dans la conception et la réalisation de cet hebdomadaire. Son apport initial a été de m’avoir présenté l’éditeur Jean-Cyrille Godefroy et d’y avoir dessiné dès les débuts. Ce projet éditorial je le portais depuis plusieurs années avec le soutien des dessinateurs qui m’ont suivi et fait confiance dans cette aventure.

Sans les dernières 54 heures de bouclage passées quasiment seul, à mettre en page, choisir les dessins, les textes, les corriger, il n’y aurait jamais eu de n°1 dans les kiosques le mercredi 17 janvier 1991. Après les 6 mois de préparation et trois mois bien chargés de rédaction-en-chef, j’ai quitté le journal en conflit ouvert avec Cabu, soutenu par Val qui manœuvrait déjà pour prendre la tête de la rédaction.

La Grosse Bertha vendait près de 18 000 exemplaires et payait tous ses collaborateurs. L’hebdo a survécu ensuite jusqu’à ce que Cabu et Val trahissent l’éditeur pour partir refonder Charlie Hebdo.

Voilà ce que je tenais à préciser à nouveau. françois forcadell

P.S : En 2020, Charlie Hebdo va fêter ses 50 ans (sic) en s’octroyant la période 1969 à 1981. Autant dire que ni le Charlie 10F Hebdo de Philippe Val, ni celui d’aujourd’hui, ne sont dans l’esprit du titre fondé par Cavanna et Choron, et que ce détournement d’héritage semble là aussi très abusif.

* Riss, Une minute quarante-neuf secondes. Actes Sud – Les Echappés.

 

Luz, le dessin et Charlie Hebdo

lundi 5 novembre 2018

 

Maintes fois je l’ai écrit, la création, la vie d’un journal est une aventure extraordinaire. Sa conception, la constitution d’une équipe, la rencontre avec le lecteur. Une aventure collective, mais aussi personnelle. Celle de Luz est racontée dans Les indélébiles (excellent titre) paru aux fidèles éditions Futuropolis. 23 ans passés au sein de la rédaction de Charlie Hebdo, titre mythique ressuscité en 1992. Son arrivée à Paris, sa rencontre à 20 ans avec Cabu, ses potes, Charb, Tignous, Riss, Catherine Meurisse, Honoré, d’autres, et toujours l’omniprésent Gébé en filigrane.

Des souvenirs heureux, amusés, d’un temps où « on a fait un journal marrant », et au sein duquel il a appris son métier entouré de ses « références : Gébé, Cabu, Willem, Wolinski ». Un idéal brutalement interrompu par le massacre d’une partie de la rédaction le 7 anvier 2015.

« Luz raconte Charlie » titre l’hebdomadaire qui dans son numéro 1371 lui consacre un supplément promotionnel de 16 pages. A la vérité Luz raconte « son » Charlie, celui des moments qui ont imprimé sa mémoire. Pas tous. Luz à choisi de ne pas attiser l’évocation des conflits internes qui ont émaillé cette période, exit le départ de Lefred-Thouron, suite à l’affaire Font, rien sur la dévastatrice affaire Siné, encore moins sur le patron carriériste Philippe Val et les dommages qu’il a infligé au titre. Luz n’a semble-t-il pas voulu abimer ses souvenirs, il le reconnaît « Je ne parle pas des engueulades, parce que ça a été suffisamment abordé dans d’autres bouquins ». A noter que l’ancien directeur est totalement absent du bouleversant dernier chapitre.

Eloigné de la presse mais pas du dessin, sujet essentiel de cet album (l’épisode de l’iPad de Tignous est hilarant), Luz, Renald Luzier, a besoin de se reconstruire, moralement, psychologiquement, lui qui a échappé fortuitement à une mort terrible. Après Catharsis, ce livre est une avancée supplémentaire. Ce sera sans doute encore long, mais si chaque étape nous offre un livre aussi fort que Les indélébiles il est sur le bon chemin. f.f.

Une petite histoire de La Grosse Bertha

Beaucoup de ceux qui me fréquentent depuis longtemps savent que je n’ai pas l’habitude de me mettre en avant dans ce que j’entreprends avec les dessinateurs. Mais il y a une chose que je ne laisserai pas dire, et encore moins laisser croire, c’est que Philippe Val a eu une quelconque part dans la création en 1991 de l’hebdomadaire La Grosse Bertha. Ce projet de journal satirique je le portais depuis plusieurs années et il a pris forme avec l’appui de Cabu et de l’éditeur Jean-Cyrille Godefroy.

Nos moyens étaient dérisoires, des photocopies pour la photogravure, mon ordinateur personnel, un Mac Plus, pour les textes, mon fax pour recevoir les dessins, et pendant plusieurs semaines, outre ma fonction de rédacteur en chef, j’ai fait office de secrétaire de rédaction, et j’ai composé moi-même tous les titres des 12 pages à l’aide de lettres transfert. Avant l’envoi du n°1 chez l’imprimeur j’ai passé une longue nuit blanche seul à relire les textes, maquetter les dessins, faire les corrections. J’étais déjà depuis plus de 24 heures dans cette cave de la rue Quincampoix qui faisait office de bureaux. Seul, à m’assurer que le journal était tel qu’il devait paraître.

Je rêvais de faire un journal de dessinateurs et il était là. J’en ai choisi la mise en page, le papier, et l’équipe de dessinateurs. Il suffit de feuilleter les premiers numéros pour voir que tous ceux que j’avais contactés avaient répondu présent, Cabu bien sûr, mais aussi Gébé, Willem, Siné, Nicoulaud, Cardon, Wolinski, Kerleroux, Vuillemin, Loup, et même Bernar, Honoré, Lefred-Thouron, Tignous, Berth, Kafka, Plantu, Pessin, Faujour et Charb aussi. J’avais même demandé que les dessinateurs mensualisés soient mieux payés que les rédacteurs. C’est dire l’importance que je leur accordais.

Pendant les trois premiers mois où j’ai été à la tête du journal il m’est souvent arrivé de privilégier des dessins en grand format plutôt que des articles pas drôles. Parmi ceux-là il y avait bien évidemment ceux de Philippe Val (arrivé là dans la besace de Cabu) – la guerre c’est mal -, que je coupais de moitié ou qui se perdait opportunément dans les entrailles de l’unique ordinateur. Très vite La Grosse Bertha – dont le n°1 ne devait être qu’un one shot pour tester notre capacité à faire un journal – a rassemblé suffisamment de lecteurs pour continuer à paraître.

Un succès qui a du donner à Philippe Val l’idée de le diriger. Il a d’ailleurs très vite tenté de le faire, mutique ou absent des comités de rédaction, il contactait dans mon dos les membres de l’équipe, flattant les uns, encourageant les autres (qui me le racontaient). Jusqu’au jour où sans doute lassé de voir ses textes brillants, ne pas faire office d’éditorial, ou relégués au fond du journal, il a convaincu son indéfectible ami Cabu que l’hebdomadaire se devait d’avoir deux rédacteurs en chef. Dont un dédié aux textes, devinez qui était pressenti ? Une tentative de putsch assez désagréable, le journal continuait à bien se vendre, une situation intenable pour moi qui m’a valu (après, je l’avoue aujourd’hui, une remarque insolente de ma part) une colère mémorable – dixit Gébé – du gentil Cabu.

J’ai alors donné ma démission et je suis parti – épuisé par trois mois sous pression –mais laissant un journal en état de marche et dont tous les collaborateurs étaient payés. Il m’était impossible de continuer sans avoir la confiance de Cabu – mon idole depuis l’âge de 15 ans – sachant de surcroit qu’il soutenait hélas l’ambition démesurée de Val. Cet arrivisme sera contrecarré par le reste de l’équipe, Henri Montant (Arthur) en tête, qui pendant plusieurs mois l’empêchera d’accéder aux commandes. Lorsqu’il les obtiendra enfin, les ventes de La Grosse Bertha dégringoleront et Jean-Cyrille Godefroy cherchera à reprendre la main sur son journal. La suite on la connaît avec la reparution de Charlie Hebdo.

Voilà, c’est juste une mise au point, Philippe Val a toujours fait carrière en manipulant, en trompant, en volant, en trahissant, tous ceux qui ont servi sa carrière, autant il a réussi à faire revivre Charlie Hebdo et à piller ses caisses, autant une chose est incontestable, il n’est pour rien, vraiment rien, dans la création de La Grosse Bertha et je tenais à l’écrire.

Les dessins ci-dessous qui illustrent ce texte sont extraits de Indélébiles le dernier livre de Luz paru chez Futuropolis.

Vive les comédiens et Cabu !

vendredi 16 mars 2018

Sur la page Facebook de Fait d’Images quelques photos de l’exposition “Vive les comédiens !” qui présente dans le cadre de la Comédie française plus de 200 dessins réalisés par Cabu. L’inauguration a eu lieu le 15 mars en présence de Véronique Cabu-Brachet, Eric Ruf, l’administrateur général, Jean-François Pitet, concepteur de l’exposition, et d’une centaine de personnes parmi lesquelles figuraient des membres de la rédaction du Canard enchaîné, de Charlie hebdo et Philippe Val, ainsi que des dessinateurs, Pétillon, Wozniak, Riss, Mougey, Salch. Si le grand public peut voir une partie des dessins de Cabu dans la rotonde d’accueil au rez-de chaussée, il doit assister à une représentation (ou plusieurs) pour découvrir l’ensemble des dessins répartis dans tout l’édifice (y compris dans les toilettes).

L’événement donne l’occasion de découvrir ou de redécouvrir l’immense production de Cabu sur le théâtre, notamment les affiches, et le grand nombre de reportages publiés dans Hara-Kiri, Le Canard enchaîné et Charlie hebdo.

Une affiche, un livret et des cartes postales ont été éditées à cette occasion. Comédie française, 1 Place Colette, 75001 Paris.

L’affaire de la caricature antisémite de Macron

vendredi 17 mars 2017

Avec l’affaire de la caricature antisémite d’Emmanuel Macron, le candidat à la Présidentielle François Fillon semble s’être offert une campagne de communication à peu de frais, fustigeant et sanctionnant publiquement ses équipes.

caricature-de-macron-publiee-ce-vendredi-sur-le-compte-twitter-officiel-de-les-republicains_5841215En effet, il n’y a rien d’antisémite dans ce dessin d’E.Macron sorti de son contexte pour illustrer un graphique publié par le parti Le Républicains. Les médias ont vite monté « l’affaire » en mayonnaise répétant à l’envi que ce dessin était antisémite. Le Figaro écrit : « Censé incarné l’offensive de la droite contre Emmanuel Macron, un visuel diffusé vendredi sur le compte Twitter des Républicains a provoqué l’indignation des internautes. En représentant Emmanuel Macron en banquier en haut de forme et au nez crochu, faucille soviétique en main, le parti de François Fillon voulait dénoncer son passé dans la finance et les nombreux ralliements venus de la gauche, notamment de l’ancien premier secrétaire du Parti communiste, Robert Hue. Mais les internautes y ont vu une ressemblance avec les caricatures antisémites des années 30. »

Et L’Express en rajoute : « De nombreux internautes et commentateurs trouvent que le dessin reprend les codes visuels de l’antisémitisme des années 30. Et ce, d’autant plus qu’Emmanuel Macron a été banquier d’affaires de 2008 à 2012 chez la banque d’affaires Rothschild, souvent ciblée par des écrits antisémites. » (sic)

Xav MacronOr si l’on regarde l’original d’où a été tiré ce dessin (ci-contre), le dessinateur représente un Macron habillé en patron qui commente le ralliement d’un communiste à son mouvement. Si le dessinateur utilise les stéréotypes du chapeau claque et du cigare aucun autre élément n’évoque une allusion antisémite.

Quant à la forme du nez elle cherche juste à être caricaturale à partir du modèle. Kerleroux dessinateur du Canard enchaîné racontait qu’il y a quelques années il recevait des lettres d’insultes lorsqu’il représentait sans aucune arrière pensée un patron avec un nez par trop busqué ou bourbonien.

Désormais il faudra se faire à l’idée (ou pas) que les dessins de presse sont mal lus, interprétés, et manipulés pour en faire des sujets à polémiques. On l’a vu ces derniers temps avec Charlie Hebdo (dessins de Riss, Félix) accusé de tous les maux juste pour avoir fait de l’humour, un peu noir, sur des faits d’actualité. L’étau du politiquement correct se resserre doucement sur la satire un des derniers symboles de la liberté d’expression, il faudrait peut-être garder nos indignations pour de vrais motifs.

Xav dessine pour le site Internet de Les Républicains où il est présenté ainsi : « Xav est dessinateur de presse depuis plus de 20 ans. Il a travaillé pour la presse, pour l’édition, pour des sites Internet et pour de nombreux blogs. »

C6kYm2qWYAA_LFsIronie de la chose on peut lire quelques lignes au-dessus : « C’est parce que les événements peuvent être graves et que leur interprétation est souvent complexe qu’il faut savoir en rire. Cette rubrique sera régulièrement illustrée pour vous offrir un regard original et impertinent sur l’actualité qu’elle soit politique, sociale, économique mais aussi culturelle, médiatique et internationale. »

Au final, le dessin a été remplacé par une photo.

Merci à E.L.

Post-trauma

mardi 11 octobre 2016

calme-et-tranquilleNe pas se fier au titre. « Calme et tranquille » (Le Tripode), parle de proches disparus, de suicide, d’amour, d’amants, d’escapades stambouliotes passionnées, de mort.

Certains traduisent leurs émotions et leur désarroi par le dessin, d’autres optent pour le silence ou la psychanalyse, Valérie Manteau a choisi l’écriture. Une écriture sensible pour exprimer l’indicible, apaiser le chagrin. Des mots pour circonscrire le « sentiment de douleur ».

L’auteure en est sûrement consciente, on lui parlera inévitablement (ce que je fais) de Cabu, Wolinski, Laurent Léger, Charb, Gébé, Riss, Tignous, Catherine, Bernard Maris, Patrick Pelloux, Mustapha Ourrad, Luz, Honoré, que l’on croise dans ces pages. Autant de personnages de cette « fraternité » qui a embellit sa vie à Charlie Hebdo. Mais, il ne faut pas se méprendre, ce beau texte est avant tout l’histoire d’une jeune femme brillante confrontée à « l’universelle douleur humaine ».

Extrait :

[…] Je voudrais que vous sachiez que ce que vous avez vécu, tout ça… C’est pas ça la vie.

Je grince des dents. Mais qu’est-ce qu’elle raconte. Qu’elle se taise. Qu’elle se taise j’ai trop besoin d’elle pour qu’elle ruine tout avec des mots trop légers à la surface de la réalité brute, violente, la réalité qui n’a demandé l’avis de personne pour être la simple et idiote réalité de la vie, quoi qu’elle en dise.

Il faut vous dire qu’ils sont morts comme ils ont voulu vivre, libres… […]

Le dessin de presse en débats

dimanche 18 septembre 2016

nszh-couvgallimard-1Alors que de moins en moins de journaux en France publient du dessin de presse, que ceux qui exercent ce métier ont de plus en plus de mal à en vivre, on continue malgré tout à débattre autour du thème le « pouvoir du dessin de presse ».

Ce sera le cas à l’Opéra Bastille le dimanche 18 septembre 2016 à 11h dans le cadre du Monde Festival. Le débat, animé par Plantu, réunira Michel Kichka (Israël), Willis from Tunis (Tunisie) et Firoozeh Mozaffari (Iran). La dessinatrice Louison (France) illustrera le débat en direct.

A noter aussi, toujours à l’Opéra Bastille, que l’association Cartooning for Peace qui fêtera ses 10 ans en octobre, présente du 16 au 19 septembre l’exposition “Les dessinateurs de presse en première ligne”, sur le thème de la censure.

Autre événement autour de Cartooning for Peace, la parution le 21 septembre du livre « “Le dessin de presse dans tous ses Etats » (Gallimard) qui fait suite au colloque organisé à Paris le 21 septembre 2015. On y retrouve les interventions de Hélé Béji, Jean-François Colosimo, Régis Debray, Jean-Paul Delevoye, Harlem Désir, Delphine Horvilleur, Jean-Noël Jeanneney, Georges Kiejman, Jack Lang, Pascal Ory, Christiane Taubira, Najat Vallaud-Belkacem, et les dessinateurs Bonil, Chappatte, Elchicotriste, Glez, Khalil, Kichka, Kroll, Plantu, Rayma, Lars Refn, Riss, Slim, Vadot, Willis from Tunis, Zohoré, Zuna.

En illustration le dessin de couverture signé Plantu.