Fait d'images

le blog de françois forcadell – l'image dessinée dans l'actualité

Charlie hebdo 1 – Mahomet 0.

25 mars 2007 à 11 h 14

Charlie hebdo en procèsUn procès pour rien, celui des organisations musulmans représentatives contre Charlie hebdo, qui avait publié des caricatures jugées offensantes pour cette religion.

En effet, le 22 mars 2007, le tribunal n’a pu que prononcer la relaxe au vu du peu d’arguments que développaient les plaignants. Seule l’Union des organisations islamiques de France a fait appel.

Un verdict attendu mais qui risque de brider encore plus la liberté d’expression des caricaturistes qui sont quand même soumis à la bonne volonté et au courage éditorial de leur directeur de publication et rédacteurs en chef, il ne faut jamais l’oublier.

Aujourd’hui, hélas, la liberté d’expression s’arrête là où commence les intérêts politiques ou économique d’une entreprise de presse, et peu de titres peuvent revendiquer une liberté quasi totale.

Apartés

Ce procès de Charlie a été une bonne affaire pour certains. Libération d’abord, qui, avec son numéro de soutien consacré au procès a vu augmenter ses ventes de 40%. Sans compter que les nombreuses prestations des journalistes de Charlie n’ont pas été rémunérées.

Les ventes de Charlie hebdo, elles, ont quasiment doublées pour le numéro annonçant le procès (115 000 ex), mais sont retombées à 75 000 ex. pour le numéro suivant qui rendait compte du procès.

A noter que tous les autres journaux qui avaient publiés, en soutien à Charlie, les dessins du quotidien danois Jyllands-Posten, n’ont, eux, pas été poursuivis, Le Nouvel Observateur, France Soir et Libération (qui les a republiées le 7 février 2007).

Comme argument de défense, les avocats de Charlie ont montré à l’audience des dessins qui s’attaquaient également au Pape, provoquant alors l’hilarité publique du camp adverse. Un argument qui a fait mouche.

Richard Malka, l’avocat de Charlie hebdo qui défendait dans ce procès la liberté d’expression, accable par ailleurs de poursuites judiciaires le journaliste Denis Robert dans l’affaire Clearstream, firme Luxembourgeoise dont R. Malka est l’avocat en France pour les affaires de presse.

Joli coup médiatique de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur mais aussi candidat à l’élection présidentielle qui, avec une lettre envoyée à Philippe Val et lue à l’audience, a apporté son soutien à Charlie hebdo (“Je préfère un excès de caricature à une absence de caricature”). Il faut préciser que l’avocat des organisations musulmanes, Me Szpiner, est aussi celui de Jacques Chirac, avec qui N. Sarkozy semble vouloir régler quelques comptes.

Johan Sfar qui, dans la foulée, a publié ses croquis d’audience sous le titre «Greffier » (collection Shampoing des éditions Delcourt) a bénéficié d’un publicité à la Une du Figaro et du soutien de Libération. Le gros album réalisé rapidement, trop rapidement, la plupart des textes manuscrits sont illisibles et Philippe Val a des cheveux, rassemble aussi les chroniques que Sfar a publié dans l’hebdo lorsqu’il y collaborait.

Des lettres de menaces arriveraient à Charlie hebdo au nom de Plantu qui ne collabore pas au journal.

En parallèle de cette affaire, Plantu le dessinateur du Monde et de L’Express défend dans les médias la position selon laquelle :

« les dessinateurs doivent continuer a être irrespectueux tout en défendant les croyants ».

Extraits du chat organisé par LeMonde.fr le 22 mars 2007. Dans sa dernière réponse à un internaute, Plantu annonce une initiative le 11 avril 2007 (voir ci-dessous) :

[…]

Question : Jérémie Fontanieu : Ne pensez-vous pas normal, dans le monde au sein duquel nous vivons aujourd’hui, qu’une certaine forme de retenue s’impose à l’égard des communautés qui constituent notre pays ?

Plantu : J’ai toujours pensé que les dessinateurs de presse se devaient d’être impertinents, mais devaient être aussi pertinents dans leur rigueur journalistique. Cela veut dire que depuis que je fais ce travail, au Monde, j’ai toujours trouvé normal de pratiquer l’autocensure. Il est particulièrement démagogique depuis des dizaines d’années de faire croire aux lecteurs qu’un dessinateur a le droit de tout se permettre. En me rendant au procès de Charlie Hebdo le mois passé, une des collaboratrices de Charlie qui témoignait nous disait : “En tant qu’homosexuelle, je suis souvent choquée par les dessins de mes petits camarades de Charlie, qui nous traitent dans leurs dessins de pédés et de gouines. Et d’ailleurs, il n’est pas rare que certains dessins trop outrés soient écartés.” J’appelle ça de l’autocensure, et c’est bien normal.

Il faut en finir avec cette idée que les journalistes libres ne pratiqueraient jamais l’autocensure. Cela m’énerve prodigieusement, et je trouve très démagogique de faire croire à des jeunes qu’on peut tout se permettre. Cela étant, il n’est pas question qu’une seule idée politique ou éditoriale ne soit pas exprimée dans un journal, que ce soit en texte ou en images. Rien ne doit être caché dans les opinions, encore faut-il être malin au moment où on les exprime.

[…]

Juliette D : Allez-vous vous y prendre à deux fois la prochaine fois que vous voudrez dessiner une caricature où figure Mahomet ?

Plantu : Je vous le répète, l’urgence n’est pas de dessiner Mahomet. L’urgence, c’est de réaliser des images dérangeantes sur les religions, et non pas sur les croyants. C’est la raison pour laquelle je fais revenir plusieurs dessinateurs laïques, chrétiens, juifs et musulmans à Paris le 11 avril au ministère de la culture, rue Saint-Honoré, et nous aurons la grande chance de pouvoir débattre sur l’avenir de la caricature. Seront présents Ali Dilem (Algérie), Kichka (Israël), Ranan Lurie (Etats-Unis), Ramize Erer (elle travaille à Istanbul, et ce sera passionnant d’écouter une dessinatrice nous raconter comment, en toute liberté, elle peut faire des dessins rigolos sur les femmes en Turquie et sur l’islam).