Fait d'images

le blog de françois forcadell – l'image dessinée dans l'actualité

Archive pour la catégorie ‘Actu Média’

Sempé mis en pièces

jeudi 12 juin 2014

L’immense dessinateur Jean-Jacques Sempé a-t-il encore le contrôle de l’exploitation de son travail ? On peut légitimement se poser la question au vu des dernières productions qu’il nous propose : un album co-édité avec le journal L’Equipe et une série de pièces en argent éditées par la Monnaie de Paris et vendues à grand renfort de publicité par La Poste.
Lui qui a toujours veillé à la grande qualité de ses albums et à éviter (semble-t-il) tout mercantilisme autour de son œuvre, surprend par ses deux offres.

L’album « Le Petit Nicolas fait du sport » est paru à l’initiative d’Aymar du Châtenet, patron des éditions IMAV créées avec sa femme Anne Goscinny et qui depuis quelques années valorise sous toutes les formes le capital exceptionnel laissé par René Goscinny. Cette compilation a fait l’objet d’un lancement tonitruant dans le quotidien L’Equipe (avril 2014 – n°21 824) avec un 4 pages spécial (remarquablement mal imprimé) contenant une double page d’interview de Sempé. Le journal indiquait dans sa présentation que « Son trait est mondialement connu et reconnu. Sa passion dévorante passion pour le sport était quasiment secrète. » Celle de Goscinny pour ce type d’album restera elle aussi secrète puisqu’il est décédé en 1977.

A propos des pièces réalisées par la Monnaie de Paris, on peut toujours se féliciter qu’un tel organisme s’intéresse à nouveau au dessin, mais on peut aussi s’interroger sur les thèmes  illustrés « les valeurs de la République : Liberté, Egalité, Fraternité » déclinées au fil des quatre saisons par des dessins de Sempé… sur le vélo.
Jérôme Garcin qui publie dans le Nouvel Observateur un entretien avec l’auteur nous apprend que la série comporte « douze pièces de 10 euros en argent. A quoi s’ajoutent, sur le thème universel de la paix, deux pièces de 50 euros en argent. Et enfin, pour les plus fortunés, une pièce exceptionnelle de 500 euros en or pur à l’effigie de la République. Car le Sempé est une monnaie forte. »

Ceux qui aiment Sempé peuvent aussi investir dans ses nombreux albums parus ces dernières années aux éditions Denoël et Gallimard. De vraies valeurs sûres, pour certaines rééditées par Martine Gossieaux.

Un journal satirique espagnol s’autocensure

samedi 7 juin 2014

Les lecteurs de l’hebdomadaire satirique espagnol El Jueves n’ont pas eu droit à ce dessin de couverture signé Manel Fontdevila sur l’abdication du roi Juan Carlos. C’est la direction du journal qui a elle-même censuré sa parution, le Palais royal n’étant pas au courant de cette Une. Cette décision a provoqué une révolte d’une partie de la rédaction et entraîné la démission des dessinateurs Manel Fontdevila, Albert Monteys, Paco Alcázar, Manuel Bartual, Bernardo Vergara, Guillermo, Isaac Rosa qui protestent contre cette atteinte à la liberté d’expression, comme le raconte Courrier International.

Le site internet d’El Jueves, journal satirique sous contrôle.

Siné dans Paris Match

vendredi 6 juin 2014

[…] On a l’impression que de tous les grandes figures du XX siècle que vous avez croisés, c’est Malcom X qui vous est le plus cher ! Il est d’ailleurs le parrain de votre fille.
C’est clair. J’étais passionné par la lutte des noirs américains. J’étais moins enthousiasmé par Martin Luther King que je trouvais un peu mou. Ce qui ne l’a pas empêché de se faire assassiner comme les autres… Mais j’étais à fond pour Malcolm X et, malgré mon athéisme, je me fichais qu’il soit musulman. Mais quand je l’ai rencontré, il m’a vendu la mèche: il était juste musulman pour emmerder le monde. Au début je pensais qu’il y croyait vraiment mais en fait, il m’a expliqué qu’il utilisait l’Islam pour amener ses troupes au socialisme. Il commençait d’ailleurs dire ça publiquement et c’est pour ça qu’ils l’ont flingué. Il avait quand même réussi à former une armée de 60 000 mecs qui fumaient plus, buvaient plus et maniaient le nunchaku comme Bruce Lee. Enfin, ça aurait peut-être mal tourné…

Le Malcolm X que vous décrivez est très éloigné de l’image que l’on en a. Fan de jazz, bon vivant, amateur de whisky…
Ah oui ! Et pas «raciste» pour un sou. Moi, j’étais vachement content d’être un petit blanc et pote avec lui. Il me l’a dit : «Moi je ne suis pas anti-blanc. Je suis anti-enc…». Il était vraiment chouette mais il donnait pas cette image là. Il aurait dû avoir un attaché de presse… […]

Extrait de l’interview de Siné publiée par Paris Match à l’occasion de la parution du 8ème tome de ses « mémoires » « Ma vie, mon œuvre, mon cul ! ». En vente chez les marchands de journaux.

Des contrats abusifs proposés aux dessinateurs

mardi 3 juin 2014

Sur sa page Facebook le dessinateur Aurel s’énerve “au sujet des contrats relatifs aux droits que nous font signer les journaux depuis quelques temps”, et explique que “Tous les groupes de presse doivent se mettre en règle, et depuis quelques semaines (quelques mois ?) nos chères rédactions nous envoient des contrats à signer, relatifs à l’exploitation de nos dessins, de la cession de droits, etc. ”

Après avoir demandé à ses confrères de “faire gaffe avant de signer ces contrats. C’est bourré de clauses très limites”,  il conclut “On vous dira que si vous ne signez pas, on ne vous commandera plus de dessin : ça s’appelle du chantage, on me l’a fait, mais j’ai tenu bon et j’ai fini par avoir gain de cause. Je sais que d’autres n’ont pas signé non plus.”

Aurel donne aussi quelques exemples de clauses abusives :

– On vous demande de céder vos droits à titre exclusif : Les clauses d’exclusivités allaient généralement de pair avec un contrat et un salaire fixe. Pour les pigistes c’est la double peine.

Généralement il y a 3 parties dans les contrats :
– on cède nos droits pour le titre et ses publications (web, etc.) : OK.
– on cède nos droits pour les autres publications du groupe de presse : bof.
– on cède nos droits pour les publications hors du groupe : NON !!! Cela veut dire que si vous réutilisez vos dessins (manuel scolaire, recueil, autre journal, T-shirt, que sais-je) vous devez 50% (généralement) de vos revenus au journal d’origine. Et vous n’avez plus le droit d’utiliser le dessin sans l’accord du journal.

L’intégralité de son texte est à lire sur sa page Facebook.

La vraie misère des auteurs BD

lundi 2 juin 2014

Sous le titre “Les auteurs de BD prêts au hara-kiri” Jean-Christophe Ogier a consacré le 1er juin une partie de  sa chronique de France Info à la situation actuelle de certains auteurs de bandes dessinées :

“C’est le paradoxe du moment. D’un côté, les réseaux sociaux relaient la colère des auteurs de bande dessinée à qui leur caisse de retraite vient d’imposer sans concertation une cotisation minimale de 8% de leurs revenus bruts.

L’intention est louable. Il s’agit d’assurer un minimum décent aux vieux auteurs qui auront les yeux usés et la main qui tremble. Sauf que, comme l’explique fort bien le documentaire “Sous les bulles” de Maïana Bidegain, reportage de 52 minutes également relayé ces derniers jours de Twitter en Facebook, la précarité de la plupart des auteurs qui tentent de vivre de leur art est telle que ces 8% de prélèvement vont, selon toute probabilité, en envoyer quelques uns au chômage.

Deux d’entre eux ont devancé l’appel : Bruno Maïorana, dessinateur à succès de la série Garulfo chez Delcourt, fait le constat amer que le 9ème art n’est pas viable. Il arrête le métier. Idem pour le scénariste Philippe Bonifay. Il parait désormais près de 5.000 nouveautés chaque année. Et la plupart des auteurs gagnent moins de 1.000€ par mois.

Paradoxe, donc, car de l’autre côté, les planches originales s’arrachent dans les salles des vente. A l’image de la page de garde historique de Tintin achetée 2,65 millions d’euros le week-end dernier chez Artcurial. Et on remet ça, chez Millon, le 15 juin, en duplex Paris-Bruxelles avec du Franquin, Tillieux, Macherot, Hergé, Uderzo ou Peyo. Soit, l’âge d’or de la BD.”

Diffusé gratuitement pendant 8 jours sur Internet le documentaire est aujourd’hui disponible en DVD. En illustration, photo de Gilles Ratier, extraite du film.

Marine Le Pen et l’étron satirique

lundi 26 mai 2014

Laurent Ruquier qui en 2011 dans son émission de France 2 « On n’est pas couché » avait montré un dessin représentant Marine Le Pen au centre d’un arbre généalogique en forme de croix gammée a été condamné par la 17e chambre du tribunal correctionnel à 1.000 euros d’amende. Le PDG de France Télévisions Rémy Pflimlin, directeur de la publication, a lui été condamné à la même peine pour injure publique. Tous deux ont été condamnés solidairement à verser 2.000 euros de dommages et intérêts à la présidente du Front national, et la même somme au titre des frais de justice. Laurent Ruquier a déclaré sur Europe 1 qu’il allait faire appel.
Marine Le Pen a par contre été déboutée dans une autre plainte contre  Laurent Ruquier qui avait montré en 2012, parmi d’autres affiches « électorales » parues dans un cahier spécial de Charlie Hebdo, un dessin de Charb représentant un étron fumant avec le slogan « Le Pen, la candidate qui vous ressemble» (en illustration). Le tribunal a estimé que l’animateur s’est contenté de montrer l’ensemble des affiches en précisant qu’elles provenaient de l’hebdomadaire, « sans les reprendre à son compte et en marquant au contraire une certaine distance » avec cet avertissement « c’est satirique, c’est Charlie Hebdo ». L’hebdomadaire n’a jamais été poursuivi pour cette publication.

A propos de cette polémique, le site Caricatures & caricature a publié une série de dessins d’étrons dessinés parus dans les journaux depuis plusieurs siècles.