Fait d'images

le blog de françois forcadell – l'image dessinée dans l'actualité

Archive pour septembre 2012

Charlie Hebdo joue-t-il avec le feu ?

mardi 18 septembre 2012

Charlie Hebdo - Intouchables 2Dernière heure :

Le site Internet de Charlie Hebdo est inaccessible depuis ce matin (19 septembre) et les locaux du journal sous protection policière.

A noter qu’il est amusant de voir les médias et les politiques s’enflammer pour des dessins qu’ils n’ont pas vus et dont le contenu est juste drôle, ce qui est la fonction du dessin satirique. BFM TV en a diffusé quelques-uns pour illustrer le sujet.

En pleine campagne de manifestations de fondamentalistes musulmans contre le film anti-islam américain, Charlie Hebdo relance le débat sur la liberté d’expression en publiant des dessins de Mahomet dans son numéro 1057.

Son directeur Charb a justifié sa démarche dans les médias et a déclaré sur iTélé que ces dessins « choqueraient ceux qui vont vouloir être choqués en lisant un journal qu’il ne lisent jamais ». Il a estimé que les dessins publiés en page intérieure et en dernière page du journal ne sont pas plus provocants que d’habitude. « La liberté de la presse est-elle une provocation? », a-t-il demandé. « Je n’appelle pas les musulmans rigoristes à lire Charlie Hebdo, comme je n’irais pas dans une mosquée pour écouter des discours qui contreviennent à ce que je crois ».

Laurent Fabius ministre des affaires étrangères en visite au Caire a déclaré à propos de ces dessins « Je suis contre toutes les provocations, c’est clair, c’est net, surtout dans une période aussi sensible que celle-là », « Maintenant, il y a des lois en France, qui ne sont pas les mêmes que les lois ailleurs, qui permettent un certain nombre de choses et qui excluent un certain nombre de choses », « Je ne vois pas du tout l’utilité quelconque d’une provocation et même je la condamne d’une façon très nette et en même temps je respecte la liberté d’expression ».

« Je pense que M. Fabius n’avait pas vu la Une quand il a parlé en Egypte », a estimé Charb qui a expliqué « Tout est parti d’une inquiétude des services français qui craignaient dans le contexte que Charlie fasse sa couverture avec une caricature de Mahomet. Il n’est en rien : la couverture représente un musulman lambda avec un juif lambda » (en illustration) ».

Manuel Valls, ministre de l’intérieur, a, d’après Le Monde, « décidé de renforcer la sécurité autour des locaux de l’hebdomadaire », et Jean-Marc Ayrault, Premier ministre a marqué sa « désapprobation face à tout excès » « dans le contexte actuel » et appelé à « l’esprit de responsabilité de chacun ». « La liberté d’expression constitue l’un des principes fondamentaux de notre République. Cette liberté s’exerce dans le cadre de la loi et sous le contrôle des tribunaux, dès lors qu’ils sont saisis » Selon Le Monde il a souligné en France le « principe de laïcité qui est, avec les valeurs de tolérance et de respect des convictions religieuses, au cœur de (son) pacte républicain ».

Sur RTL, Charb, qui est toujours sous protection policière depuis l’incendie des locaux de Charlie Hebdo en novembre 2011, s’est interrogé « si on commence à se poser la question de savoir si on a le droit de dessiner ou pas Mahomet, si c’est dangereux ou pas de le faire, la question d’après ça va être ‘est-ce qu’on peut représenter des musulmans dans le journal ?, puis la question d’après ça va être ‘est-ce qu’on peut représenter des êtres humains dans le journal ?, etc., et à la fin on ne représentera plus rien, et la poignée d’extrémistes qui s’agitent dans le monde et en France aura gagné ». Et il n’a pas tort.

C’est pas beau de copier

mardi 18 septembre 2012

L’AFP nous apprend que Shepard Fairey le graphiste américain qui avait illégalement utilisé une photo d’Associated Press pour réaliser le célèbre poster « Hope » de Barack Obama a été condamné à 25 000 dollars d’amende et 300 heures de travaux d’intérêt général pour fabrication de preuves.

Shepard Fairey, 42 ans, avait plaidé coupable en février de fabrication de « plusieurs faux documents » réalisés pour prouver qu’il n’avait pas utilisé la photo d’AP pour créer son poster. Fairey avait poursuivi l’agence de presse, affirmant s’être servi de la photo dans le cadre de l’ « usage raisonnable » admis par la loi. L’artiste avait ensuite fabriqué des documents pour soutenir ses dires. Parallèlement à cette procédure judiciaire, les deux parties avaient conclu début 2011 un arrangement financier dont les détails sont restés confidentiels, pour se partager les droits relatifs à l’utilisation du poster.

Ce que dit le Code de la propriété intellectuelle :

Article  L.112-2 : Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit : 9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie.

Article  L 122-4 : toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

L’article L.113-2 al.2 définit une œuvre composite comme étant une œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration mais avec l’autorisation de l’auteur de cette dernière ou de ses ayants droit (ex. : photographie incorporée dans une œuvre d’arts plastiques). L’œuvre composite doit respecter le droit moral de l’auteur de l’œuvre préexistante.

L’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante (art. L.113-4 du code de la propriété intellectuelle).

L’auteur de l’œuvre composite bénéficie sur celle-ci d’un droit d’auteur, mais ne peut l’exploiter qu’avec l’autorisation de l’auteur de l’œuvre première qui doit être rémunéré en conséquence.

A lire : http://www.photovoyage.org/blog/droit-dauteur/peindre-ou-dessiner-d-apres-une-photo/

Quelques expositions de dessins pour la rentrée

lundi 17 septembre 2012

Exposition « Vive le dessin libre !! » Charles de Gaulle en caricatures, avec des dessins de Behrendt, Cummings, Effel, Escaro, Faizant, Kichka, Moisan, Nourrit, Willem, Plantu, Siné. Le numéro de septembre 2012 de la revue Espoir, publiée par la Fondation Charles de Gaulle, sera consacré à l’exposition. Disponible auprès de la Fondation pour 8 €. Video à voir sur Youtube. Vernissage sur invitation le 19 septembre à 15h, Cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides, 129, rue de Grenelle 75007 Paris. Tous les jours de 8h à 19h, entrée libre, jusqu’au 18 octobre.

Exposition « Dessins d’humour ». Michel Lagarde présente sa collection privée de dessins de André François, Jean Maurice Bosc, Chaval, Maurice Henry, Cabu, Folon, Fred, Gérard Lauzier, Mose, Jean Marc Reiser, Jean-Jacques Sempé, Roger Tetsu, Roland Topor, Tomi Ungerer et quelques « invités spéciaux », Serge Bloch, Blutch, Pascal Lemaïtre, Catherine Meurisse, et Charlie Poppins. Vernissage le 19 septembre, à 18h 30. L’exposition est présentée du 20 septembre au 20 octobre 2012, Galerie Michel Lagarde,13 rue Bouchardon 75010 Paris. Du mardi au vendredi de 14h 30 à 19H. Pour ceux qui ne pourront se déplacer : le site internet

Exposition « Barbe ». Une sélection de dessins du dessinateur Barbe à voir à la galerie An.Girard, animée par Danièle Delorme et Marie-France Beaucourt. Un évènement rare, Barbe n’avait pas exposé ses dessins originaux depuis plusieurs années (en illustration). Vernissage le 20 septembre à 18h 30, 7 rue Campagne-Première, 75014 Paris. Tél : O1 43 22 01 16. Du mardi au vendredi de 13h 30 à 19h. Comme pour chaque exposition organisée dans cette galerie, un catalogue a été édité. Seul (petit) regret, les « Cinémas », publiés entre autres dans Charlie mensuel et en album (1976, Faiseur d’images), hélas introuvable mais collector, ne sont pas exposés, mais Barbe tient à ces originaux-là.

 Le site Caricatures & caricature annonce lui quatre autres expositions :

Gab du 20 au 23 septembre 2012, Galerie Babel, 15 rue Guénégaud, 75006 Paris.

« Ballouhey n’arrête pas de décoller », 100 dessins de Pierre Ballouhey à l’Aéroport de Limoges Bellegarde (hall de l’aérogare), du 14 septembre au 31 octobre 2012.

Moisan (1907-1987), dessinateur du Canard enchaîné, du 13 octobre 2012 au 28 janvier 2013  à Menton.

A noter que l’exposition des dessinateurs Luz et Honoré de Charlie Hebdo, se poursuit jusqu’au 31 octobre 2012 au Musée Raymond-Lafage, 10 rue Victor Maziès 81310 Lisle-sur-Tarn. Tél. : 05 63 40 45 45.

Le dessin sur Internet

vendredi 7 septembre 2012

Ali Farzat est un caricaturiste syrien qui a dénoncé le régime Bachar Al Assad bien avant que son pays ne sombre dans le chaos de la guerre civile. Le blog « Un œil sur la Syrie » d’Ignace Leverrier, ancien diplomate présente et commente ses dessins (en illustration).

Extrait de l’article :

« Comme des milliers de ses concitoyens, le caricaturiste Ali Farzat a eu affaire, dans un passé qui n’est pas si lointain, à des chabbiha. Tout le monde parle aujourd’hui de ces wouhouch, ces “bêtes”… comme ils aiment à se définir eux-mêmes. Mais rares sont ceux qui les connaissent aussi bien que lui et sont capables, d’un simple trait de crayon ou de plume, d’en dévoiler la réalité. »

Joann Sfar continue la publication de « Le journal de merde » sur le site Telerama.fr. Présentation de la prestation par le journal : « Ce ne sont pas des carnets – il en a déjà publiés, ni un blog. C’est, chaque jour, le Journal de Joann Sfar, auteur de bandes dessinées (Le Chat du Rabbin, Klezmer…), réalisateur de cinéma (Le Chat du Rabbin toujours, mais avec du son et des images qui s’animent, Gainsbourg (vie héroïque)). Il n’y est pas tant question de sa vie que de lui-même : obsessions récurrentes, coups de colère, pensées éparses. Un Journal de Merde même, parce que Joann Sfar, 40 ans, se sent banal, aux prises comme tout le monde avec le réel qui résiste. Mais il ne donnera pas de leçons. À l’image, peut-être, de cette injonction paradoxale : “Ne rien faire qui puisse inspirer quiconque !”. Comme si on allait le croire… ». Voilà.

Les dessinateurs Coco, Goubelle, Wingz, Delucq, publient « Dessins de la semaine » visible sur Youtube et à partir du site du Huffingtonpost.fr, dans la chronique de Delucq.

Marine Le Pen est-elle un « étron fumant » ?

jeudi 6 septembre 2012

Charlie Hebdo a publié le 5 septembre ce texte sur son site Internet :

« Charb, dessinateur à Charlie Hebdo et par ailleurs directeur de la publication du magazine vient d’être mis en examen aujourd’hui à 14h à Paris pour « complicité d’injure publique envers un particulier commis dans le cadre de l’émission « On n’est pas couché » sur France 2 au préjudice de Marine Le Pen ». Au cours de son émission du 7 janvier, Laurent Ruquier avait présenté des affiches électorales parodiques parues dans le numéro de Charlie Hebdo du 4 janvier. Parmi lesquelles, celle concernant Marine Le Pen. On pouvait lire en titre : « Marine Le Pen, la candidate qui vous ressemble ». Le dessin représentait « un étron fumant » (sic) sur un fond tricolore (en illustration). Il semble que le Président de France Télévisions ait été mis en examen dans la matinée. »

Interrogé par la presse, Charb a déclaré : « Aucun des autres candidats n’a porté plaine ou manifesté une quelconque colère ou énervement. Tous les autres ont dû comprendre que c’était de l’humour, sauf Marine Le Pen » – « C’est un peu disproportionné pour un dessin ! D’autres politiques n’aiment pas qu’on les caricaturent mais ils ont l’intelligence de ne pas nous attaquer parce qu’ils savent que Charlie Hebdo est un journal satirique » – « Je suis considéré comme complice pour avoir fait ce dessin mais ce dessin a été publié quelques jours avant dans Charlie Hebdo, qui n’a pas été poursuivi. Logiquement c’est le magazine qui aurait dû être poursuivi ».

Le dessin satirique est-il si ringard que ça ?

mercredi 5 septembre 2012

Trop méchant, trop cynique, trop dérangeant, trop militant, trop vieillot ? Il faut se rendre à l’évidence le dessin satirique, le dessin d’opinion, n’a plus vraiment la cote dans les médias, et si quelques journaux « spécialisés » continuent à en publier on ne peut pas dire que l’engouement du public se traduise dans les chiffres de ventes.

Même le pourtant réactionnaire Figaro n’a pas jugé bon de remplacer son « éditorialiste » Jacques Faizant disparu en 2006, et on ne sait pas encore si Sud Ouest trouvera un remplaçant à Iturria parti à la retraite cet été après 40 ans de collaboration. Et les télés ? Si beaucoup reconnaissent l’apport des dessins au ton iconoclaste de Droit de réponse de Michel Polac, depuis sa disparition en 1987 aucune émission n’a repris le concept. Aucune télévision n’utilise d’ailleurs le dessin satirique à l’antenne. L’humour et l’ironie sont partout, la caricature nulle part.

La tendance du dessin aujourd’hui dans la presse est à l’illustration, substitut original à la photo. On ne demande plus aux dessinateurs de s’exprimer mais de réaliser une composition graphique qui agrémentera – dans le format imparti – l’article qui le côtoie. Une aubaine pour le métier d’illustrateur, encore faut-il savoir que celui-ci est pas mal pratiqué et que, entre les élèves d’écoles d’Art en mal de débouchés professionnels, les dessinateurs de bande dessinées en panne d’album, les illustrateurs dont c’est la profession et à qui on ne pense pas forcément, sans oublier le neveu du rédacteur-en-chef qui dessine lui aussi, on se bouscule pas mal au guichet d’entrée.

La satire est un mode d’expression qui a traversé les siècles, et nul doute que le mauvais esprit a encore de beaux jours devant lui. La caricature aussi, cette façon de forcer le trait pour mieux montrer, ou démontrer ce qui ne va pas est pratiquée depuis la nuit des temps. On peut avoir des doutes pour le dessin satirique, même s’il a de nombreux atouts.

Lorsqu’il est écrit qu’un bon dessin vaut mieux qu’un long discours, cela veut dire qu’un bon dessin – intelligent, malin, lisible (il peut être beau aussi) – ne ment pas, contrairement aux torrents de mots, de phrases, d’idées foireuses, d’articles de circonstance, de promesses à géométrie variable, qui peuvent facilement nous manipuler.

Le langage du (bon) dessin est lui immédiat et universel. Comment alors expliquer ce désintérêt et à qui la faute ? Ces dernières décennies les moyens de communication et d’expression ont évolué à une vitesse vertigineuse, video, multiplication des télévisions, Internet, smartphones. Les mentalités aussi. Le dessin satirique, lui, se pratique encore comme on le faisait dans les années 1970, avec ses stéréotypes, ses codes de lecture, souvent abscons pour le commun des lecteurs. D’ailleurs il faut bien constater que le dernier carré de supporters de journaux satiriques se compose en majorité des heureux rescapés de cette période. Les nouvelles générations s’éclatent (expression d’époque) elles, sur Internet ou pratiquent la dérision tous azimuts sur Twitter ou Facebook.

Et si quelques sites Internet de presse ouvrent leurs pages au dessin « satirique » il faut là aussi constater – malgré quelques exceptions – que le critère n’est pas toujours la pertinence, ni la qualité du propos (même édulcoré), mais bien le tarif dérisoire – quand il y en a un – que l’auteur accepte pour être publié.

Alors quelle solution à ce problème (cependant moins grave que Fukushima ou la Syrie) ? Aucune, ou mutiples. Il suffirait peut-être aux dessinateurs d’imaginer, de réinventer leurs supports, de réaffirmer la qualité du trait et l’originalité de l’expression, comme l’ont fait en leur temps les créateurs de journaux indépendants. De retrouver une liberté qui leur permettrait d’exprimer pleinement tout leur talent et de donner une nouvelle image de leur savoir faire. La création c’est beaucoup de boulot mais elle fait partie de l’ADN du métier et il n’est jamais trop tard pour commencer. ff

Les commentaires et réactions à ce texte seront publiés sur ce blog.