Fait d'images

le blog de françois forcadell – l'image dessinée dans l'actualité

Archive pour le mot-clef ‘Cavanna’

Siné sujet tabou

jeudi 5 mars 2009

Si la relaxe du dessinateur Siné n’a pas été abordée lors du dernier comité de rédaction de Charlie 2€ Hebdo, Cavanna, lui, n’hésite pas cette semaine à y consacrer un article (en illustration) où il évoque le tabou qu’est désormais le nom de Siné dans le journal (même si Siné Hebdo traîne sur les bureaux) et se réjouit de la décision de justice concernant Siné.

Cavanna déplore cependant que Siné Hebdo cultive une « haine personnelle contre Charlie hebdo ».

Cette réaction a du en énerver plus d’un au sein de Charlie, où depuis le licenciement de Siné en juillet 2008, (qui serait en droit de demander sa réintégration), beaucoup de choses n’ont pas été dites ouvertement, et ces non-dits créent depuis un véritable malaise dans l’équipe.

Un de ces principaux « non-dits » est que ce n’est pas le journal qui est visé par les diverses polémiques, mais bel et bien son directeur et propriétaire, aujourd’hui plus préoccupé par sa carrière médiatique que par « son » journal. Tabou, vous avez dit tabou ?

L'article de Cavanna

L'article de Cavanna

Siné n’a jamais été antisémite

mercredi 25 février 2009

Sine hebdo - mal élevé

L’ambiance du prochain comité de rédaction de Charlie 2€ Hebdo risque d’être pesante après la relaxe du dessinateur Siné prononcée le 24 février par le Tribunal de grande instance de Lyon qui le disculpe de l’accusation de soupçon d’antisémitisme soufflée par Claude Askolovitch, portée par Philippe Val, et relayée devant les tribunaux par la LICRA*.

Philippe Val avait ainsi justifié le licenciement de Siné du journal dont il est le directeur et le propriétaire avec Cabu. Un licenciement, qui se révèle aujourd’hui sans motif réel et sérieux, et qui avait jeté le trouble au sein de la rédaction, divisée sur cette décision, mais aussi au sein des lecteurs.

Bilan de l’affaire, Charlie 2€ Hebdo a perdu plusieurs milliers de lecteurs, Siné a créé avec succès un journal concurrent, Cavanna soutient publiquement Siné, et, dernier rebondissement, deux collaborateurs de Charlie, pour l’instant, viennent de rejoindre  la rédaction de Siné HebdoSiné et ses avocats s’interrogeraient actuellement sur les suites à donner à cette relaxe.

* Siné était«  Prévenu de provocation à la discrimination nationale, raciale, religieuse par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique  » pour des extraits de ses chroniques concernant la tenue vestimentaire d’intégristes musulmans et les conditions du mariage de Jean Sarkozy.

Extrait du témoignage de Guy Bedos en faveur de Siné lors du procès  :

«  Il faut savoir lire, écouter les humoristes. Siné est un humoriste ! L’humour est une langue étrangère et parfois il faut des sous-titres. Siné est un provocateur, un malade de la provocation.
Je suis étonné, ayant lu les phrases incriminées. Ce sont les phrases d’un athée, je ne savais pas que c’était un délit, Siné s’amuse, il ne les attaque pas sérieusement. Il interprète un personnage. J’ai l’impression qu’on pourchasse l’antisémitisme comme le faisait Mac Carthy avec les pseudo communistes.

Cela devient fou, cela banalise l’antisémitisme. Qu’on cherche les vrais, qu’on arrête les procès d’intention. Je n’ai vu qu’une certaine forme d’athéisme superficiel dans ses propos. Siné, c’est tout sauf un raciste.  »

« Bête, méchant et hebdomadaire » : une suite

vendredi 13 février 2009

Stéphane Mazurier - Des cadres noirs dans son livreLes lecteurs de l’énorme pavé de Stéphane Mazurier sur l’histoire de Charlie Hebdo (1969 – 1982) – voir note de lecture sur ce blog -, ont du être intrigués par les pavés noirs qui figurent sur la reproduction des pages du journal. En fait, se sont les dessinateurs Cabu et Wolinski qui se sont opposés à la publication de leurs œuvres dans un livre qui fait un portrait trop flatteur – à leur goût – de Georges Bernier, alias Pr. Choron.

Quand on voit la couverture du livre, avec Cavanna et Choron photographiés amicalement enlacés par Arnaud Baumann, on se dit qu’il doit régner un certain malaise dans la rédaction de Charlie Hebdo (celui de 2009).

Extrait du livre :

« Des fois, j’envie Reiser. Il ne nous a pas vus devenir moches et cons. Il ne l’est pas devenu non plus. Il a tracé sa trajectoire d’angelot bouclé, frrrt, il n’a pas vu le monde vieillir, il n’a pas vu sa gueule grimacer dans la gueule des copains ».

Ces lignes ont été écrites par Cavanna en 2004.

Autre chose, la mention d’un copyright « Glénat Éditions – Drugstore 2008 », sur la reproduction de Unes de L’hebdo Hara-Kiri et de Charlie Hebdo dessinées par Reiser. Une réappropriation étonnante de la part d’un éditeur, en effet si le copyright peut s’appliquer sur le dessin de Reiser, il ne peut en aucun cas concerner la Une qui est une œuvre collective appartenant au journal.

Note de lecture : Charlie Hebdo, l’original

jeudi 12 février 2009

Bête, méchant et hebdomadaire. un livre de Stéphane MazurierCréer et faire vivre un journal est une aventure formidable. Créer et faire vivre un journal comme Charlie Hebdo est une aventure « extraordinaire » comme le dit Sylvie Caster. Pour s’en convaincre il suffit de lire l’imposant – 512 pages – Bête, méchant et hebdomadaire de Stéphane Mazurier (Buchet Chastel) qui retrace les grands et les petits moments de Charlie Hebdo, titre satirique légendaire, anticonformiste, aujourd’hui usurpé par un propriétaire qui s’affiche comme « éditorialiste » sur les plateaux télé entre Alain Duhamel et Catherine Nay.

Un livre très documenté et très complet sur la vie de ce journal de 1969 à 1982, mais aussi sur son époque qui joua un rôle non négligeable dans son succès (et son déclin) : « Expérience unique dans l’histoire récente de la presse française, Charlie Hebdo se révèle finalement la meilleure expression journalistique de l’esprit de mai 68 ». Bénéficiant des témoignages de nombre des collaborateurs, l’auteur évoque les multiples péripéties des titres, le mensuel Hara-Kiri, L’hebdo Hara-Kiri Charlie Hebdo, l’éphémère Charlie matin, La semaine de Charlie, et la cohabitation – souvent conflictuelle (p. 150) – entre des personnalités aussi fortes que celles de Gébé, Reiser, Delfeil de Ton, Fournier, Wolinski, Siné, Willem, Cabu, Nicoulaud, Berroyer, Carali, Arthur, Sylvie Caster. Le tour de force a été d’additionner tous ses talents chaque semaine, mais avec une règle : « même si les collaborateurs du journal s’apprécient profondément, ils se fréquentent très peu en dehors du journal. Certes Reiser dîne quelquefois chez Wolinski, mais la règle est de ne se voir que pour le travail ». 

Ce livre ne dévoile hélas aucun secret permettant de renouveler cette aventure, mais donne quelques clés qui permettraient à une équipe de se lancer dans un tel projet. Cavanna : « C’est très simple, la formule c’était : tu as une page, tu t’en démerdes, tu mets ce que tu veux dedans, pourvu que ce soit génial »

Autre intérêt de l’ouvrage, c’est qu’il confirme, s’il en était besoin, que sans le duo passionnel Cavanna-Bernier cette aventure fulgurante n’aurait jamais pu exister : « Cavanna est, sans aucun doute, le « concepteur en chef » du journal. C’est lui qui a su imaginer une formule originale et viable, mais aussi la maquette, autrement dit la marque de fabrique, le « visage rédactionnel » de Charlie Hebdo. Le deuxième personnage clé dans l’élaboration du journal est , bien sûr, son directeur, Georges Bernier. Si Cavanna est le concepteur du journal, Bernier en est l’administrateur ; un administrateur volontiers fantasque et téméraire, qui s’acharne à faire vivre Charlie Hebdo. Bernier a, en quelque sorte, mis en place sa propre méthode, fondée sur l’optimisme et la ténacité. »

Un Bernier incontournable, au point même qu’il semble aujourd’hui étonnant qu’un dessinateur comme Cabu, qui a vécu et profité (p. 110) de toutes ces années tumultueuses, retrouve subitement la mémoire pour accabler et dénoncer le Pr. Choron comme il l’a fait dans un récent de Charlie Hebdo (14.1.2009). Il est vrai que le Charlie Hebdo de l’époque est très éloigné de celui qu’il fait aujourd’hui et dont il est curieusement l’actionnaire principal avec Philippe Val. Rien à voir donc, avec le titre d’origine où le rédacteur en chef était « toute la bande ». On en est loin en effet et on se demande même pourquoi dans ce livre Philippe Val donne son avis sur la première version de Charlie Hebdo alors qu’il n’y a jamais participé et qu’il ne reconnaît aucun talent à Choron.

Au final, ce livre pourrait apparaître comme une sorte de pierre tombale, une fresque gravée dans le marbre, qui célèbre le souvenir, la nostalgie d’une époque révolue où l’on osait tout et où tout était possible. Mais c’est une fausse impression, puisqu’encore récemment avec l’arrivée dans les kiosques de Siné Hebdo, journal conçu en quelques semaines, il semble que l’esprit de provocation reste vivace. Il suffit juste de le cultiver. Bête, méchant et hebdomadaire de Stéphane Mazurier peut donner cette envie. ff

Bonus à savourer également, le cahier spécial des photos d’époque d’Arnaud Baumann qui signe aussi la photo de couverture.

Choron, le film.

lundi 22 décembre 2008

Choron Dernière le filmAvec ce texte sur le Pr Choron je vais sûrement casser un mythe. J’en prends le risque. Je n’ai rencontré le Professeur Choron que trois fois. La raison : autrefois directeur de collection chez un éditeur aussi près des alpages que de ses sous, il m’était venu la folle idée de publier dans le cadre d’une collection d’humour une réédition des Fiches bricolages du Pr Choron et Les jeux de con du Pr Choron.

Par l’entremise de Lefred Thouron la chose s’est conclue assez vite et nous sommes même allés lui rendre visite tous les trois, avec Kleude, dans sa maison familiale d’Aubréville dans la Meuse. Son accueil attentionné, le champagne, auquel malade il n’avait plus droit, et l’évocation des souvenirs firent de cette rencontre une journée inoubliable.

Bien sûr je connaissais tout de sa vie, en tout cas celle racontée par Odile, sa femme, la mère de son unique fille Michèle Bernier. Un livre qui reste encore à ce jour le meilleur témoignage sur l’épopée des éditions des Trois-Portes. Bien évidemment j’avais aussi en tête le récit épique de sa vie tel qu’il l’avait raconté à Jean-Marie Gourio dans Vous me croirez si vous voulez (Flammarion).

Mais mon idée était de rendre hommage à l’auteur qu’il était, au-delà de son rôle d’agitateur d’idées et de « patron » vibrionnant dans l’équipe d’Hara-Kiri.

Plus aucun matériel originel n’étant disponible, je me suis plongé dans une collection du mensuel Hara-Kiri qu’il avait fondé avec Cavanna en 1960. Un duo de personnalités à la puissance créatrice fusionnelle à ce jour encore inégalée.

choron-par-lefred-thouronEt là, en relisant avec attention tout ce qu’il avait imaginé, tout ce qu’il avait écrit, j’ai découvert, re-découvert, un auteur inventif, original, très attaché à la qualité de son expression, au sens des mots. Les légendes des Fiches bricolages sont concises, efficaces, pas une phrase de trop, et complètent parfaitement les images. Les textes courts des Jeux de con sont bourrés de trouvailles, drôles, et eux aussi finement ciselés. Il est d’ailleurs étonnant que personne n’ait encore eu l’idée de les mettre en scène. Rajoutez à cela les sujets et les paroles des chansons qu’il a écrites, et vous aurez un large aperçu du talent de ce bonhomme qui, faut-il le rappeler, est – entre autre – l’auteur de la célèbre Une de L’hebdo hara-Kiri : Bal tragique à Colombey – 1 mort.

Choron était un véritable artiste. Un artiste qui « a fourni de la matière à plagiats pour encore plusieurs générations » à écrit Delfeil de Ton dans Le Nouvel Observateur.

choron-photoLes albums parurent et l’éditeur les laissa se vendre. En 2004 Choron n’était pas encore célébré sauf par ses créanciers à qui il devait encore des millions depuis l’arrêt de Hara-Kiri. Il nous fit aussi la mauvaise blague de mourir le 10 janvier 2005. Contre toute attente l’enterrement fût triste, très triste, mais il y avait du monde. Forcément.

Voilà, c’est le Choron que j’ai connu, attentionné, perfectionniste, élégant. Je ne l’aurais donc jamais connu bourré, sortant sa bite pour la tremper dans une coupe de champagne ou vociférant les soirs de beuverie. Dommage, je n’ai peut-être pas connu le bon, mais celui que j’ai eu la chance de croiser me semble être le même que celui que tant de gens vénèrent pour ses extravagances. On retrouve les deux dans le film de Pierre Carles et Éric Martin, Choron dernière, qui sort dans les salles de cinéma le 7 janvier. Les réalisateurs retracent quelques-uns des grands moments de sa carrière, tous les journaux qu’il a permis de créer, et reviennent sur sa petite enfance en Lorraine. Surtout ils évoquent la grande blessure que fût pour lui la reparution de Charlie Hebdo, sans lui.

moi-odile-choronÀ voir aussi pour les témoignages de Vuillemin, de Marc-Édouard Nabe, de Cavanna, mais aussi de Philippe Val qui dit presque que Choron n’avait aucun talent.

Georges Bernier est mort, la vie du Professeur Choron continue.

ff

Illustrations :

L’affiche du film dessinée par Vuillemin.

Choron vu par Lefred Thouron.

Photo gag de René Maltête (avec la participation du Pr Choron)
parue dans l’album Des yeux plein la tête (Glénat Humour). © Maltête.

Moi, Odile, la femme à Choron,
écrit avec Christian Bobet. Éditions Mengès, 1983.

Riri, fifi.

vendredi 19 décembre 2008

Hara Kiri, les belles images

[…] « Le goût pour l’image peut être mis au service de l’esprit critique grâce à la satire et à l’impertinence. À condition de vouloir effectivement fortifier cet esprit critique et non conforter certaines pulsions infantiles, bêtes et méchantes. D’où la division au sein de la presse satirique, entre d’un côté, celle qui veut vivifier la démocratie et, de l’autre, celle qui s’en moque, voire celle qui la vomit. » […]  

Ces quelques lignes de Caroline Fourest publiées dans Le Monde (5.12.2008) ont suscité dans Charlie Hebdo (n°861), une vive réaction de Cavanna qui se sentait visé, et dans le même numéro, une réponse “spontanée” de Caroline Fourest. L’ire de Cavanna, très remonté, a également provoqué quelques réunions (tendues) de la rédaction – dont une exceptionnelle un samedi. Chaque fois Cavanna défend l’esprit du Charlie Hebdo originel qui lui semble très éloigné de ce qu’est devenu l’hebdomadaire.

Extrait : « Pourtant, en cet été 92, quand, dans l’enthousiasme, fut relancé Charlie Hebdo, l’accord était unanime, le propos clair et sans ambiguïté : l’esprit « bête et méchant » renaissait dans toute sa fougue, dans toute sa virulence, et s’interdisait, entre autres, toute complaisance envers quelque faction politique que ce fût.

L’ambition, cette gueuse papelarde, était tapie au cœur même de cette joie. Charlie Hebdo est aujourd’hui ce qu’il est. Sûrement pas un journal « bête et méchant ». Pas encore bon chic bon genre, mais déjà estimé des gens en place. Des gens qui placent.

La racaille rabelaisienne s’en est allée vers d’autres rivages.

Ce que je fous là, moi, dinosaure bouffé aux mites, sur mon tas de décombres ? On me le fera bientôt savoir, je pense. » Fin de citation.

Cavanna raconte CavannaCe nouveau coup de gueule de Cavanna – un premier avait été empêché de parution par une intervention de Wolinski – démontre que les retombées de l’affaire Siné sont loin d’avoir produit leurs effets au sein du journal. Les non-dits persistent et tendent à plomber l’ambiance. Ainsi personne n’oserait évoquer le pactole généré en 2006 par la publication des caricatures de Mahomet, pactole que ce sont partagé en grande partie les trois actionnaires principaux de l’hebdo.

D’autre part, comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises Philippe Val tente de ressouder ses troupes en prenant la posture de la citadelle assiégée et dans un éditorial récent n’hésite pas à citer nommément tous ceux qu’il croit être « ces braves dont le seul plaisir semble être de taper sur Charlie Hebdo et Philippe Val » pour reprendre une expression de Caroline Fourest ; Daniel Mermet, Delfeil de Ton, Michel Onfray, Plantu, etc. Des adversaires qu’il amalgame à l’AGRIF association chrétienne qui intente un procès à Charlie et qu’il n’hésite pas à traiter de « vraiment cons », un mot qu’il « utilise rarement » et qu’il emploie « non comme une insulte, mais comme une information ».

À tout ceci il va falloir ajouter la plainte de Ph. Val, Cabu et Wolinski contre les réalisateurs du film Choron dernière (sortie le 7 janvier 2009) au motif que leurs noms figurent sur l’affiche sans leur accord. Sur le site Rue89.com, Pierre Carles, un des réalisateurs avec Éric Martin, commente ainsi cette plainte : “Ce qui est drôle dans cette affaire, c’est qu’il y a dix ans, j’ai pu sortir mon film Pas vu, pas pris, grâce à une souscription lancée par Charlie Hebdo, que dirigeait déjà Philippe Val. Sur l’affiche se trouvait une quinzaine de noms de personnes sans leur autorisation, dont PPDA, Étienne Mougeotte, Patrick de Carolis, ce que cautionnait Charlie Hebdo.”
Ph. Val n’en a pas fini de dénombrer les « cons » qui ne l’aiment pas.

Illustrations : Cultivons le mauvais esprit. Deux ouvrages à offrir à Noël.