Fait d'images

le blog de françois forcadell – l'image dessinée dans l'actualité

Archive pour le mot-clef ‘Gébé’

Y’a-t-il un Pilote dans la presse ?

mercredi 1 juillet 2009

Pilote fête, avec un nouveau numéro spécial ses 50 ans. Un numéro déjà disponible en kiosque, dont le thème est «69, année érotique». Apparemment  le «cul» est toujours un argument de vente  surtout en période estivale.

Pilote - 69 année érotique

Dommage que ce titre mythique qui a su dans les années Goscinny-Charlier faire évoluer la bande dessinée ne soit plus aujourd’hui qu’un label commercial «qui va et qui vient».

Pourtant le groupe Media-Participations (Dargaud, Dupuis, Lombard, Fleurus) qui en est propriétaire, aurait largement de quoi alimenter en contenu une publication digne des plus belles heures de Pilote et renouer avec le « laboratoire » de talents qu’il était alors.

Après la disparition de Pif, entre Spirou, le Psykopat et Fluide glacial, il ne reste plus de journal s’adressant spécifiquement à la jeunesse comme si les adolescents n’existaient pas ou devaient être cantonnés aux seuls jeux vidéos et à Secret story.  Et pourtant, quelles que soient les époques et les générations, on sait l’impact sur une vie des récits et des images découverts dans le jeune âge. Sans tomber dans une nostalgie stérile, que serait devenu notre imaginaire sans Fred et son Philémon, Sempé et son Petit Nicolas, Uderzo et son Astérix,  Gir et son Blueberry, Hubinon et son Barberouge, Gébé et son Clovis, Druillet et son Loan Sloane, Cabu et son Grand Duduche, etc, etc, etc.

C’est dans Pilote, l’original, qu’ils sont nés et notre plaisir avec.

À propos de ce n° de Pilote à lire aussi sur le site Le comptoir de la BD et sur l’excellent ActuaBD.

Gébé nous écrit

mercredi 10 juin 2009

Gébé - Papier à lettres« Au raz de l’eau nous arrive, légère comme une brume, la musique du bal. »*

L’œuvre de Gébé nous arrive elle aussi, légère comme une brume, au fil des ans.

Après « Les colonnes de Gébé » publiées l’an dernier par L’Association, ce sont aujourd’hui les éditions Buchet-Chastel et Frédéric Pajak qui nous proposent « Papier à lettres » recueil des chroniques parues dans Charlie Hebdo du temps où Gébé était encore heureux de participer à la renaissance du titre. Tout Gébé se trouve dans ces pages, l’écrivain, le dessinateur, et surtout son art de nous entraîner dans sa folie douce.

Le livre tout en hauteur, qui respecte le format original des dessins, est préfacé par Jacques Doillon qui réalisa en 1973 le film « L’An 01 » inspiré de l’album éponyme de Gébé.

Il y a déjà cinq ans Gébé nous quittait, et il nous manque chaque jour un peu plus.

* Dernières lignes du roman de Gébé « Les résistants du square », Hors collection, 1991.

Pourquoi Bayrou a-t-il perdu ?

mardi 9 juin 2009

la France du XXIe siecle - Lefred-Thouron« Coloscopie de la France du XXIe siècle » de Lefred Thouron qui vient de paraître chez Dargaud, ne répondra pas à cette question. Alors pourquoi lire ce livre ? Réponse de l’éditeur :

« Mieux qu’une radioscopie, cette coloscopie a l’avantage de nous restituer, digérée par l’« homme de la rue » (et la femme aussi), l’absurdité grandissante de nos vies. Ça va du politique au téléachat, de la participation (un genre de stock-options pour pauvres) à l’éco-taxe sur les assiettes en plastoc, en passant par le CV anonyme, la maison à 15 euros et la prison à partir de 12 ans ; les seniors au boulot, l’armée qui roule à l’huile de colza, le délai de 60 ans pour avoir un rendez-vous chez l’ophtalmo, la box, la hotline… et autres extravagances présentées comme un progrès. »

Les dessins de ce livre sont tirés, pour la plupart, du Canard enchaîné.

Biographie primesautière et édifiante fournie par l’éditeur :

Né en 1961, Lefred-Thouron vit à Nancy – il a résisté aux sirènes de la capitale parce que les tarifs immobiliers l’effarent. 

Lefred Thouron prend la poseUn peu juste physiquement pour envisager une carrière de footballeur, découragé par la féroce concurrence qui sévit dans la chanson à texte, il se lance dans l’exploration des situations quotidiennes cocasses. Si bien qu’en 1984, invité par Gébé, il publie ses premiers dessins dans Hara-Kiri, puis dansL’Événement du jeudi, Libération, etc. Et là, tout s’enchaîne : tour à tour speaker de TSF, piètre comédien de court-métrage, bricoleur de sketches, échotier, reporter… il écume l’essentiel de la presse parisienne dont nous retiendrons pour faire court Le Canard enchaîné depuis 1994, L’Équipe magazine depuis 1988 et Fluide glacial depuis 1998. En tant que scénariste, il écrit « Les carottes sont crues », satire du monde bio, pour Yan Lindingre et « Casiers judiciaires », chronique épatante des comparutions immédiates, pour Diego Aranega.

Illustration : l’auteur prend la pose

Le cancer de nos pères

lundi 25 mai 2009

Gabs - Mon père a un cancerCe n’est pas évident de trouver les mots pour parler d’un livre de dessins dont le sujet est aussi intime que le cancer. Le dessinateur Gabs, dont le grand public connaît ses dessins pour la Fnac, La Poste, etc., et ses nombreux livres à succès sur la vie de l’entreprise (Eyrolles), a pourtant réussi avec « Le cancer de mon père », non seulement à évoquer cette maladie, mais à le faire avec des dessins plus empreints de tendresse que de tristesse.

Ce projet qu’il a porté durant de longs mois a finalement rencontré un éditeur, Hervé de La Martinière. Celui-ci a eu l’intelligence de respecter la forme que tenait à lui donner l’auteur en éditant un bel album à la maquette épurée.

Chacun réagira sans doute selon sa sensibilité, mais ce livre démontre qu’aucun sujet ne semble tabou pour le dessin d’humour.

Oncle Ho - Jean-Yves Duhoo

Jean-Yves Duhoo

Ce n’est pas évident d’imposer sa petite musique dans ce monde du dessin et de la BD où les « emprunts graphiques » font de plus en plus office de talent .

Depuis des années Jean-Yves Duhoo cultive son propre style qui au premier abord semblerait « classique » s’il n’était au service d’idées et de thèmes d’inspiration qui n’appartiennent qu’à lui. Son dernier album « Oncle Ho »,  le démontre une fois de plus.

Parler de Jean-Yves Duhoo c’est aussi rendre hommage à « l’Association » qui l’édite et qui ces dernières décennies s’est imposée comme une maison d’édition audacieuse et novatrice en publiant notamment Marjane Satrapi, J-C Menu, Lewis Trondheim, Joann Sfar, Riad Sattouf, Étienne Lécroart, Gébé.

Le futur site de «L’Association» devrait ouvrir incessamment sous peu.

Bizarre, vous avez lu Bizarre

vendredi 27 février 2009

Anthologie BizarreL’excellent site Actuabd.com publie un article annonçant  la parution de l’anthologie de Jean-Marie Lhôte  consacrée à la revue Bizarre

Extraits de la présentation de l’auteur sur le site de l’éditeur, Berg international :

« La revue Bizarre, « revue littéraire et artistique » fortement influencée par le surréalisme, donne, de 1953 à 1968, 48 livraisons. Fondée par Michel Laclos, éditée par Éric Losfeld puis, à partir de 1955, par Jean-Jacques Pauvert elle annonce, par son titre même, ses ambitions et son contenu. Laclos et ses auteurs se passionnent pour les sujets les plus étranges et affichent des goûts éclectiques. Grands amateurs de littérature, ils consacrent le premier numéro à Gaston Leroux et au roman policier, un autre – dirigé par Raymond Queneau – aux fous littéraires, un autre encore à Raymond Roussel. Ils sont parmi les premiers à parler de science fiction et abordent également la question des « monstres » qui nous entourent. Raymond Queneau, mais aussi Jean-Christophe Averty, Michel Leiris, Jean-Marie Lhôte ou François Caradec contribuent à la revue. Bizarre accueille également de nombreux dessinateurs refusés par les grands organes de presse. Annonciatrice des bouleversements de Mai 68, la revue Bizarre a occupé une place considérable dans le paysage culturel français.

[…] Bizarre était vraiment la revue de l’époque. Les numéros spéciaux, particulièrement, attiraient l’attention. Nous avions fait ‘‘Les Fous littéraires’’, ‘‘La Joconde’’, ‘‘Les Dessins inavouables’’, ‘‘Les Mystères de Rembrandt’’, ‘‘Les Monstres’’.

Les dessinateurs que nous révélions depuis Siné renouvelaient le genre. […]. Début 1960 déjà, nous avions publié coup sur coup deux numéros : ‘‘Dessins inavouables’’ et ‘‘Supplément aux dessins inavouables’’. Fort bien présentés par Michel Laclos, ils rassemblaient les dessins refusés par la presse française, encore bien conventionnelle. Folon, Chaval, Gébé, Topor, Cardon, Le Foll, Siné bien sûr, Maurice Henry, Trez, Mose, André François (je ne peux pas les citer tous), y installaient le dessin d’humour moderne. C’était le début d’une époque…

La nouvelle génération de dessinateurs se met à graviter autour de Bizarre et porte au cœur, sous diverses formes, l’explosion du printemps 1968. Siné est le chef de file, il apparaît dès 1955, avec des dessins anticléricaux qui sont dans les sommets du genre, cruels et drôles. » (Jean-Jacques Pauvert, Mémoires). 672 pages, 45 € (quand même).

Note de lecture : Charlie Hebdo, l’original

jeudi 12 février 2009

Bête, méchant et hebdomadaire. un livre de Stéphane MazurierCréer et faire vivre un journal est une aventure formidable. Créer et faire vivre un journal comme Charlie Hebdo est une aventure « extraordinaire » comme le dit Sylvie Caster. Pour s’en convaincre il suffit de lire l’imposant – 512 pages – Bête, méchant et hebdomadaire de Stéphane Mazurier (Buchet Chastel) qui retrace les grands et les petits moments de Charlie Hebdo, titre satirique légendaire, anticonformiste, aujourd’hui usurpé par un propriétaire qui s’affiche comme « éditorialiste » sur les plateaux télé entre Alain Duhamel et Catherine Nay.

Un livre très documenté et très complet sur la vie de ce journal de 1969 à 1982, mais aussi sur son époque qui joua un rôle non négligeable dans son succès (et son déclin) : « Expérience unique dans l’histoire récente de la presse française, Charlie Hebdo se révèle finalement la meilleure expression journalistique de l’esprit de mai 68 ». Bénéficiant des témoignages de nombre des collaborateurs, l’auteur évoque les multiples péripéties des titres, le mensuel Hara-Kiri, L’hebdo Hara-Kiri Charlie Hebdo, l’éphémère Charlie matin, La semaine de Charlie, et la cohabitation – souvent conflictuelle (p. 150) – entre des personnalités aussi fortes que celles de Gébé, Reiser, Delfeil de Ton, Fournier, Wolinski, Siné, Willem, Cabu, Nicoulaud, Berroyer, Carali, Arthur, Sylvie Caster. Le tour de force a été d’additionner tous ses talents chaque semaine, mais avec une règle : « même si les collaborateurs du journal s’apprécient profondément, ils se fréquentent très peu en dehors du journal. Certes Reiser dîne quelquefois chez Wolinski, mais la règle est de ne se voir que pour le travail ». 

Ce livre ne dévoile hélas aucun secret permettant de renouveler cette aventure, mais donne quelques clés qui permettraient à une équipe de se lancer dans un tel projet. Cavanna : « C’est très simple, la formule c’était : tu as une page, tu t’en démerdes, tu mets ce que tu veux dedans, pourvu que ce soit génial »

Autre intérêt de l’ouvrage, c’est qu’il confirme, s’il en était besoin, que sans le duo passionnel Cavanna-Bernier cette aventure fulgurante n’aurait jamais pu exister : « Cavanna est, sans aucun doute, le « concepteur en chef » du journal. C’est lui qui a su imaginer une formule originale et viable, mais aussi la maquette, autrement dit la marque de fabrique, le « visage rédactionnel » de Charlie Hebdo. Le deuxième personnage clé dans l’élaboration du journal est , bien sûr, son directeur, Georges Bernier. Si Cavanna est le concepteur du journal, Bernier en est l’administrateur ; un administrateur volontiers fantasque et téméraire, qui s’acharne à faire vivre Charlie Hebdo. Bernier a, en quelque sorte, mis en place sa propre méthode, fondée sur l’optimisme et la ténacité. »

Un Bernier incontournable, au point même qu’il semble aujourd’hui étonnant qu’un dessinateur comme Cabu, qui a vécu et profité (p. 110) de toutes ces années tumultueuses, retrouve subitement la mémoire pour accabler et dénoncer le Pr. Choron comme il l’a fait dans un récent de Charlie Hebdo (14.1.2009). Il est vrai que le Charlie Hebdo de l’époque est très éloigné de celui qu’il fait aujourd’hui et dont il est curieusement l’actionnaire principal avec Philippe Val. Rien à voir donc, avec le titre d’origine où le rédacteur en chef était « toute la bande ». On en est loin en effet et on se demande même pourquoi dans ce livre Philippe Val donne son avis sur la première version de Charlie Hebdo alors qu’il n’y a jamais participé et qu’il ne reconnaît aucun talent à Choron.

Au final, ce livre pourrait apparaître comme une sorte de pierre tombale, une fresque gravée dans le marbre, qui célèbre le souvenir, la nostalgie d’une époque révolue où l’on osait tout et où tout était possible. Mais c’est une fausse impression, puisqu’encore récemment avec l’arrivée dans les kiosques de Siné Hebdo, journal conçu en quelques semaines, il semble que l’esprit de provocation reste vivace. Il suffit juste de le cultiver. Bête, méchant et hebdomadaire de Stéphane Mazurier peut donner cette envie. ff

Bonus à savourer également, le cahier spécial des photos d’époque d’Arnaud Baumann qui signe aussi la photo de couverture.